Reporté pour cause d’intempéries, le concert de Taksim trio et du trio Joubran, qui devait avoir lieu le 04 août, s’est déroulé enfin le lundi 14 août 2023 au Théâtre romain de Carthage. Une soirée exceptionnelle dédiée spécialement à la musique instrumentale mais où la voix était également présente. Le public assez nombreux a suivi, dans un recueillement total, le concert des deux formations différentes mais complémentaire. Au cours de la première partie de la soirée, le trio Taksim (référence à la place célèbre d’Istanbul mais aussi à l’improvisation dans le cadre de la musique classique ottomane), formé du clarinettiste Hüsnü Senlendirici, du joueur de qanoun Aytaç Dogan et du joueur de saz électrique Ismail Tunçbilek, ont lis à l’épreuve leur instrument dans une musique improvisée dont l’origine remonte à la musique traditionnelle turque associée aux sonorités contemporaines : musique du monde, flamenco et compositions originales.
Pas forcément festive, la musique de Taksim trio a de quoi enivrer le public tant elle est douce et captivante. Dans la foulée, le trio a exécuté à sa manière des morceaux d’une chanson tunisienne « Ah ! Wadaouni » de Saliha et une autre d’Oum Kalthoum « Alf Lila wa Lila » composée par Baligh Hamdi. Fortement applaudi par l’auditoire. Par ailleurs, et comme pour rompre le silence imposé par les instruments, une voix traverse le théâtre, celle du clarinettiste qui a interprété des airs savoureux de deux chansons dans la langue turque. Le public surpris découvre pour la première fois cette formation dont c’est leu premier concert à Carthage. Après plus d’une heure, trio Taksim regagne les coulisses sous les applaudissements nourris des spectateurs pour laisser place au trio Joubran.
Héritier d’une famille de joueurs d’oud ( luth) le trio Joubran Sami, Wissam et Adnan accompagné de deux percussionnistes ont célébré, dans le cadre de la 57ème session du Festival international de Carthage plus d’une vingtaine d’années de carrière. Que de chemin parcouru pour ces palestiniens qui ont bâti leur répertoire note par note. Virtuose est le mot juste qui les qualifie. De l’Olympia à Paris, au Carnegie Hall de New York en passant par les Nations Unis, leurs tournées dans le monde ne se compte plus, ni leur succès non plus.
Sous l’ombre du poète palestinien Mahmoud Derwich à qui le trio rend hommage à chacune de leur prestation à travers les multiples notes de leur oud dont il maîtrise les secrets et arrive savamment à en percer les mystères. La qualité de la performance y était dans les improvisations des différents « maqâmets ». Mahmoud Derwich, dont il voue une admiration sans pareille disait que « la poésie est d’abord une musique ». D’un raffinement subtil et délicat, leur musique est une élégie au poète disparu qui demeure présent grâce à son œuvre.
Le public applaudit à la voix enregistrée de Mahmoud Derwich qui déclament les vers suivants : « Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : sur cette terre se tient la maîtresse de la terre, mères des préludes et des épilogues. On l’appelait Palestine ; On l’appelle désormais Palestine » magnifié par les sons magiques du oud. Standing ovation du public qui s’est délecté de cette musique à hautes envolées lyriques.