Festival international de Carthage
55ème édition
Moulouk Al Tawaef de Mansour Rahbani (première soirée)
Avec Hiba Tawaji et Ghassen Saliba
Deuxième représentation mercredi 16 juillet 2019
Le 15 juillet au théâtre romain et en présence de M. Mohamed Zinelabidine Ministre des Affaires Culturelles, le public du Festival international de Carthage a assisté à une soirée mémorable durant laquelle le doyen de nos festivals a embrassé l’art, la créativité, la finesse et la charge d’un théâtre chanté que seuls les Rahbani détiennent le secret.
« Moulouk Al Tawaef », œuvre venue spécialement et exclusivement pour le Festival International de Carthage, l’une des œuvres des plus marquantes du répertoire des Rahbani écrite par Mansour Rahbani avant son départ, avait offert au public une des soirées les plus remarquables de la 55ème édition.
Le public assoiffé de ce genre précieux, et à la recherche d’émotion pure, a été intensément secoué par le spectacle et a observé un silence religieux durant toute la soirée totalement séduit par la puissance qui se dégageait du verbe, des voix, de la musique…
Le théâtre romain de Carthage était aussi un bel écrin pour ce travail et même plus, il a hautement contribué à son charme lui donnant une dimension historique encore plus aiguisée et l’on se voyait spectateur d’un pan de l’Histoire de l’Andalousie, celle qui représente à fois la gloire et la décadence du monde arabo musulman.
« Moulouk Al Tawaef » s’ouvre sur la rencontre du Roi de Séville « Ibn Abbad », l’un des vingt-deux rois des Etats de l’Andalousie divisée ( joué par Ghassen Saliba) avec celle qui sera son épouse, sa reine, sa confidente et sa complice Itimad Al Rimkya ( joué par Hiba Tawaji) lors d’une sortie de chasse.
Chant, danse et jeu sont les éléments dramatiques qui font avancer les évènements dans « Moulouk Al Tawaef ». Et c’est entre conspiration, trahisons et complots que nous assistons à la décomposition, voire la désintégration de ce que fut l’Andalousie glorieuse…la tragique fin qui a marqué le monde arabe au fer rouge.
Mansour Rahbani n’a pas choisi d’écrire cette épopée sur cette page douloureuse de notre histoire pour nous placer dans la nostalgie et tourner le couteau dans la plaie, mais il offre une projection sur une histoire contemporaine si ressemblante dans ses faits et sa composition.
« Moulouk Al Tawaef » n’est pas une œuvre documentaire, qui retracerait à la lettre des faits historiques, les personnages sont romancés, hautement colorés, leurs émotions sont débordantes et portent dans leurs voix les paroles de l’auteur.
De l’écriture scénique aussi, transparait, l’intention de l’auteur, la lumière qui réécrit la scène, les costumes qui invitent à un voyage dans le temps et les danses qui rehaussent le tout pour dessiner une fresque qui titillent tous les sens et l’esprit aussi.
Le charisme de Ghassen Saliba a donné à son personnage de Roi à la fois poète et amoureux, fort et tourmenté, une dimension tragique (comme dans les tragédies grecques), sa voix puissance offrait aussi de la douceur et imposait le silence. Sa complicité et son harmonie avec la jeune Hiba Tawaji était un parfait mariage de par leur présence scénique et l’association de leurs voix si complémentaires.
Fort d’un texte puissant qui s’apprête à plusieurs niveaux de lecture, par un duo de chanteurs comédiens comme on n’en voit plus de nos jours, d’une image soignée, énergique, d’une composition plastique qui tient compte du moindre détail, « Moulouk Al Tawaef » restera dans la mémoire du public du festival de Carthage à l’instar des autres créations des Rahbani qui sont passés sous nos cieux. Une belle leçon d’art, de création, d’histoire d’un théâtre chanté et dansé mais hautement politique.